6.03.2012

 
Faire émerger un monde nouveau: 

Petite pause poétique !


Le monde nouveau que j'appelle de tous mes voeux aura besoin, selon moi, d'art et de poésie pour se remettre de notre époque “froide”, asséchée par le positivisme rationaliste et technologique ou
brûlée par le fanatisme religieux et idéologique !

De nos jours, s'il est un domaine qui reste un peu sur la touche, comme si l'on avait peur de “s'y frotter”, c'est celui de la poésie. Pourquoi ce type d'expression est-il pour moi à la fois si attirant et si essentiel ? Parce qu'il court-circuite notre mental tout-puissant qui met son nez partout dans nos existences et qui juge tout.

La poésie ne juge pas, elle surgit ! Elle n'est jamais calculée. Elle est la spontanéité même .
Elle surprend l'auteur autant que les lecteurs. J'ai toujours été étonné par ce qui pouvait s'écrire à travers moi, comme si je n'en étais pas le créateur.

La poésie dit l'essentiel sans être bavarde ni ennuyeuse. Elle fait appel à d'autres niveaux de l'être que celui de l'intellect ou des sentiments. Elle les transcende tout en conservant son aspect énigmatique.

Il y a plus de trente ans, s'il y avait  une question qui me préoccupait c'était celle du temps.
Les deux poèmes que je vous propose de lire ont été écrits au début de mon premier séjour en Turquie, en 1979 ! Bonne lecture ! J'attends des poèmes en retour !



EPHEMERES


J'écrivais
EPHEMERES
sur la margelle
de ma bouche.

Je pensais bien
au temps
qui s'introduisait dans les interstices
de nos oublis
en ces moments d'égarement
où nous trébuchons
sur l'anecdote
de notre quotidien.

Il fallait bien
qu'à cette coïncidence extrême
le langage nous pénètre par surprise
et que nous balbutiions
notre parcours
de tous les jours.


Ankara, Kavaklıdere, octobre 1979


CRUCIFIER LE TEMPS !


Et l'on attend
sans doute
cet ultime horizon
qui bascule
cette coïncidence triple
du temps
et de la mort
où nous apprenons
ahuris
que nous faisons
le troisième.


L'instant qui vient
nous effraie
et celui qui nous tourne le dos
plus encore.


Hébétés
nous nous cherchons
entre les deux
mais cet entre-deux
est une anguille redoutable
glissant
entre les écailles
de nos effarements.


Nous aimerions
enfin
crucifier le temps
comme l'on crucifie un papillon
sauvagement.



Ankara, Kavaklıdere, le 24 octobre 1979.