11.07.2013

L'Eternel féminin

Ce sujet est en quelque sorte un prolongement du thème que j'ai évoqué dans ma précédente lettre sur les minorités, parce que dans une grande partie du monde actuel l'aspect féminin reste encore "minoré" et "négligé". Ainsi, lorsque j'utilise l'expression l'Eternel féminin, je ne parle pas des êtres humains qui "portent un vêtement physique de femme", mais d'une énergie qui véhicule un certain nombre de valeurs, qui possède une fonction spécifique dans ce monde de la manifestation et de l'incarnation.

Je tiens à affirmer tout de suite que très peu de femmes actuellement au pouvoir (ou qui l'ont été dans les dizaines d'années précédentes ) incarnent les valeurs féminines réelles: pour moi, elles ne font que reprendre les valeurs masculines existantes et les poussent même parfois à l'extrême pour ne pas dire jusqu'à la caricature ! Vous souvenez-vous de Margaret Thatcher surnommée "la Dame de Fer" ( no comment !) et
de ses accents guerriers pour aller "reconquérir" les Malouines ? Des femmes au pouvoir, certes,  mais pour appliquer des politiques masculines. D'ailleurs, le concept même de pouvoir est masculin et il faudrait sans doute inventer un nouveau terme pour désigner un nouveau type de gouvernance qui ne serait pas l'exercice du pouvoir mais la "gestion" ou la "guidance" de la collectivité! Où est le Féminin aujourd'hui dans notre monde occidental qui se targue d'être moderne, ouvert, libéral, "démocratique" ? Où sont l'harmonie, la beauté, la paix et la compassion sur notre Terre ? Sans doute y a-t-il ici et là quelques tentatives pour infléchir cette situation générale, comme le récent concept de "Care" initié aux Etats-Unis et repris par ailleurs par Martine Aubry dans ses thèmes de campagne pour la primaire socialiste . Malheureusement, le Masculin lui-même est détourné et caricaturé : le courage et l'héroïsme n'ont rien à voir avec la brutalité et la violence qui se manifestent actuellement un peu partout dans le monde .

On pourrait me faire le reproche d'écrire à la place des "intéressées" ! Ce serait pourtant une erreur, car ce dont je veux parler peut être vécu et ressenti par un être humain du sexe masculin  autant que du sexe féminin ou d'un transsexuel, puisque ce qui m'intéresse ici c'est le Féminin ou l'Eternel féminin ( expression que certains trouveront peut-être emphatique, mais que je suis heureux de ne pas être le seul à employer! * ) Qu'entends-je par là ? Une énergie fondamentale, un pôle de l'Energie Première qui s'est scindée en deux ... pour mieux se réunifier...en toute conscience ! Le Féminin c'est donc une Energie, l'expression d'une Energie cosmique. Elle a  un sens, une fonction, une valeur, au même titre que  l'Energie masculine.

Ce n'est un mystère pour personne ( sauf pour les inconscients ou les gens de mauvaise foi ) que l'Energie féminine a été occultée, marginalisée ou asservie  depuis des siècles, voire des millénaires, dans notre "jeune et nouvelle civilisation" que Thom Hartmann qualifie de prédatrice et qui est typiquement, voire caricaturalement masculine, contrairement aux "anciennes cultures" porteuses de valeurs féminines à travers leur respect et leur amour pour la Terre-Mère ( la Pachamama des Amérindiens et la Gaïa des Grecs !)
La "jeune et nouvelle civilisation" dont je parle trouve son expression culminante dans la société de consommation moderne et technologique qui s'impose un peu partout dans le monde, que ce soit en Occident ou en Orient, au Nord comme au Sud, gommant petit à petit les cultures locales ici et là et uniformisant les manières de vivre et les visions de l'existence. Cette "nouvelle civilisation mondialisée" qui cherche à mener le monde s'exprime et s'est exprimée notamment à travers des religions institutionnalisées, comme les trois principaux monothéismes que nous connaissons en Occident . Que ce soit le Judaïsme, le Christianisme ou l'Islam, ces religions sont profondément sexistes, masculines, pour ne pas dire "machistes" ! Elles constituent, n'en doutons point, le socle culturel et psycho-mental du type de civilisation moderne et dominateur de notre époque !

Ainsi, toute trace de féminité ou du Féminin  a été sciemment gommé des grands récits "religieux" qui ont fondé  le Christianisme. Où sont passé(e)s  les "Madeleines" , les "Marie-Madeleines" de la grande aventure de Jésus de Nazareth ? Effacées, bâillonnées, pour que s'installe le discours officiel triomphant et impérial
( puis impérialiste ) du Christianisme institutionnalisé, comme nous le révèle Claire Heartsong  dans ses deux étonnants ouvrages (1) consacrés à une Initiée d'un très haut niveau, Anna, qui n'est autre que la mère de celle qui restera dans l'histoire comme la Vierge Marie et en même temps la grand-mère de  celui qu'on appellera plus tard sous le vocable morbide de "Crucifié" !

Parallèlement à cela, il est étrange de constater comment ont été écartés de l'histoire officielle de l'Occident le rôle et l'importance de trois grands courants authentiquement spirituels que sont la Tradition Egyptienne, la Tradition Essénienne et la Tradition Druidique/Celtique, dans lesquels la femme tient un rôle éminent!  Est-ce un hasard ou est-ce une "conspiration du silence" comme on en connaît dans d'autres domaines ? En dehors de ces trois monothéismes qui couvrent malgré tout une aire géographique importante ( l'Europe, les
Amériques, une partie de l'Asie et de l'Afrique ) et qui ont influencé en profondeur les pays concernés, même s'il y a eu une synthèse des religions et croyances premières et des religions colonisatrices, il serait malhonnête de ne pas signaler une immense et ancienne civilisation ainsi qu'une religion non-monothéiste et pluri-millénaire: l'Inde et l'Hindouisme, une réalité bien vivante, comme nous le précise Jacques Vigne dans son remarquable ouvrage (2) : "Il est un pays où la Déesse-Mère, sous toutes ses innombrables formes, se trouve encore respectée, priée, fêtée avec ferveur à nulle autre pareille: l'Inde." Plus loin, il ajoute:
"Il y a besoin d'une vision féminine  du monde, c'est-à-dire holistique, pour équilibrer la conception séparatiste, scientifique, technologique et masculine qui voudrait souvent se présenter comme la seule autorisée.", ce à quoi je souscris totalement ! On pourrait mentionner également le très peu connu et cependant remarquablement profond courant spirituel qu'on appelle le shivaïsme tantrique cachemirien ( une forme plus tardive de l'Hindouisme), selon lequel la femme a un rôle d'initiatrice auprès de l'homme afin qu'il retrouve son rôle spirituel dans le monde  (3).

Pour ces grandes spiritualités que je viens de nommer, la place et le rôle des femmes sont éminents, car celles-ci sont  reliées à la Déesse-Mère, la Grande Energie Féminine, qui est le pendant de ce que Jésus de Nazareth appelait  "mon Père", tout comme la Shakti l'est vis-à-vis de Shiva pour le shivaïsme tantrique, une forme tardive de l'Hindouïsme, et le Bouddhisme du Vajrayana ! Ainsi, les femmes "initiées" de ces époques-là incarnaient l'Energie Féminine Fondamentale et l'exprimaient dans leur vie et leurs activités quotidiennes. La guérisseuse du Moyen-Age ou la connaisseuse des plantes médicinales calomniées et caricaturées en sorcières, participent de ce modèle, où la femme a un rôle essentiel et sacré, celui de soigner ses semblables! Aujourd'hui, nous devrions donc parler de Dieu-Père/Mère, car il est indispensable pour l'équilibre de notre monde que l'être humain, cet intermédiaire entre Ciel et Terre, se relie aux deux Energies! 

Sans vouloir entrer dans le débat plus que passionnel et presque hystérique de ce qui fait l'actualité "sociétale" de la France d'aujourd'hui concernant le mariage pour tous, il me semble pour le moins étrange qu'on puisse haïr à ce point des personnes qui veulent s'unir et s'aimer !...En vertu de quel interdit céleste, religieux ou moral on empêcherait deux êtres de signer un contrat devant la société pour dire leur désir profond de vivre ensemble en harmonie et dans la plus grande légitimité ? Parce qu'ils sont du même sexe ou qu'ils ont changé de sexe ? Mais, on a bien compris que le sexe physique est un vêtement , une simple forme qu'emprunte un être pour exprimer tour à tour tel ou tel aspect de l'incarnation terrestre, telle ou telle valeur de la Vie. C'est pourquoi, dans cette perspective, je trouve  particulièrement bénéfique l'approche astrologique (4), à condition qu'elle ne conduise pas à une autre forme de conformisme, où les rôles ( les caractéristiques ) sont définis une fois pour toutes, sans possibilités de transformation, d'évolution, car, d'une part, elle dédramatise les perspectives et les discussions, d'autre part, elle nous aide, en les relativisant, à nous désidentifier  des caractéristiques de notre être incarné, à savoir du corps physique sexué, de la personnalité et de ce qu'on appelle l'identité psycho-mentale.

Alors, quelles sont ces valeurs dites féminines et celles dites masculines ? Si l'on fait une liste sommaire des premières ( compassion, paix, harmonie, beauté, sens pratique,...) et des secondes ( protection, courage, héroïsme, idéalisme,...) on se rendra vite compte que les premières font  cruellement défaut dans nos sociétés modernes et urbaines actuelles et que les secondes se retrouvent ainsi complètement diminuées, déformées... Ainsi, je pense que pour équilibrer les forces qui dirigent le monde et qui répondent aux énergies cosmiques fondamentales, il faudrait plus de féminité pour empêcher les guerres, la torture sous toutes ses formes, pour répondre de façon minimale partout sur la planète aux besoins essentiels et vitaux de tous les êtres humains sans exception, à savoir le "gîte et le couvert", la santé, l'éducation et la possibilité d'exprimer ses capacités et ses dons pour le plus grand bien de la collectivité et en fin de compte de l'humanité toute entière. Dans cette perspective, il faudrait  bien plus de féminité dans la gestion du quotidien et dans les affaires de la cité.

Pour conclure, je réaffirme  que le Féminin n'appartient pas aux seules femmes, il est un constituant essentiel de l'être humain et donc aussi de l'homme. Le nombre de femmes masculines et d'hommes féminins montre bien que les choses ne sont pas aussi simples et tranchées que nous voudrions le croire ! Réhabiliter le Féminin dans le monde ou demander que le Féminin puisse s'exprimer dans sa dimension cosmique est aujourd'hui aussi vital pour les femmes que pour les hommes, car c'est ce rééquilibrage qui peut nous aider à faire basculer le courant de l'histoire dans le sens d'une plus grande protection de la Terre et de l'environnement et d'une plus grande prise de conscience de la dimension spirituelle de l'être humain, afin de passer à une autre page de l'histoire de l'humanité !

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*  En effet, le psychiatre et grand connaisseur de l'Inde, Jacques Vigne, dans son remarquable ouvrage
    L'Inde intérieure 2007, Les Editions du Relié, parle de "l'éternel féminin" ainsi que de "l'éternel        masculin" ( p.66)

(1) Anna, grand-mère de Jésus, Claire Heartsong, 2009, Ariane Editions, Québec, Canada.
     Anna, la voix des Madeleines, Claire Heartsong en cocréation avec Catherine Ann Clemett, 2010,
     Ariane Editions, Québec, Canada.

(2) Ouvrage cité en note *.

(3) Sur le sujet, lire les ouvrages très clairs de Daniel Ogier, spécialiste de ce courant, car formé par une    grande initiée, son maître cachemirien, la yoginî Lalitâ Devi.
     Désirs, passions et spiritualité  et  Tantra, 1999, Editions JC Lattès, Collection Pocket.

(4) A ce propos, l'approche astrologique que je considère comme ayant la vision spirituelle la plus profonde et la plus vaste est  L'Astrologie Transcendantale  transmise par Jean de Larche ! Si l'on veut comprendre un peu ce que j'entends par la  fonction cosmique et universelle de la Féminité , il n'est pas inutile de lire ou de relire les ouvrages novateurs que cet astrologue a écrits sur deux "planètes" féminines et "maîtresses" de deux signes astrologiques ( le Taureau et la Vierge, qui sont deux signes de terre ! ), par ailleurs déesses du panthéon grec !
    Cérès, 2009, Editions  www.Lulu.com.
    Koré,  2012, Editions  www.Lulu.com.

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Et pour finir, écoutons la célèbre chanson de Bob Marley No woman no cry ( "Non, femme, ne pleure pas!") qui devient ici encore plus émouvante avec les sonorités cristallines de la voix de Joan Baez !