31.08.2015

Réflexions sur l'état du monde: la sagesse des 3 s ....

Réflexions sur l’état du monde : la sagesse des 3  s…
                                               
            Après plus de 8 mois de silence dû à des événements personnels qui m’ont confronté à ce que la Vie nous offre de plus choquant et de plus déroutant, à savoir la mort d’un proche, me voici de retour parmi vous. Mais,  reste-t-il encore des oreilles pour m’écouter ou plutôt des yeux pour lire  les pensées de quelqu’un qui ne prétend à rien et n’est rien en termes de notoriété ou de connaissances….
            « Ecrire, pour quoi faire ? » me suis-je posé à moi-même la question lorsque j’ai commencé ce blog il y a maintenant plus de 3 ans. Au moins, pour essayer de partager ses pensées et ses sentiments ; au plus, peut-être, pour se satisfaire, car je crois que tout écrivain, quel qu’il soit, amateur ou professionnel, et quel que soit le genre d’écriture qu’il développe, écrit pour le plaisir, car l’écriture est un plaisir, certes narcissique, mais un grand plaisir quand même.
            Après une période de silence et de retrait nécessaire pour pouvoir affronter ses propres peurs, angoisses, incertitudes, remises en question radicales de ses propres convictions,- en somme une activité humaine, bien humaine, «trop humaine» ( pour parodier Nietzsche )- il m’est difficile de ne pas revenir à ce qui préoccupe mes semblables aujourd’hui, puisque désormais avec Internet et les réseaux dits «sociaux» (selon l’expression consacrée ) le monde est devenu «global» pour son bien et pour son mal !
            Un rapide tour d’horizon suffit à se convaincre que nous sommes entrés (depuis un certain temps déjà!) dans une période de flou, de confusion, d’agitation, de peur , d’angoisse, de violence et d’intolérance de toutes sortes, avec des schémas dramatiques qui se répètent, comme si l’histoire bégayait, ( le fameux schéma répétitif dont parle l’Astrologie Transcendantale) mais cette fois-ci à une échelle mondiale et collective, celle de l’Humanité dans son ensemble et de notre belle planète, schémas répétitifs par cette persistance, dans certaines régions du monde, de régimes dictatoriaux qui nient purement et simplement l’existence humaine. Ce qui, par comparaison, permet à nos belles démocraties libérales de paraître un havre de paix, un lieu où il fait bon vivre… si on se laisse hypnotiser par le conformisme consumériste ambiant. Qui lui-même provoque, par la profusion de fabrications …d’objets de consommation, des poussées de monoxyde de carbone dans l’atmosphère, mais il faut bien relancer la croissance, nous dit-on par ailleurs. On est alors en pleine contradiction : relancer la croissance par la consommation en espérant créer des emplois et en même temps préparer une conférence mondiale pour limiter le réchauffement climatique! Sans comprendre que tout est lié et qu’on ne peut pas tout avoir !...                                                                                 
On pourrait aussi disserter longuement sur les raisons, les circonstances et les objectifs de la  barbarie de l’Etat islamique ou de Daech (peu importe le nom, il recouvre la même «force obscure»), sur la stratégie à appliquer pour la combattre. Il n’en reste pas moins qu’ils constituent des «révélateurs» pour mettre en évidence notre hypocrisie, double langage et autres lâchetés. Et c’est sans doute cela la «fonction» de ces «encagoulés», même s’ils ne le savent pas eux-mêmes. Voir jusqu’où nous pourrons accepter leur violence, leur fanatisme, leur aveuglement. Ils ne pourront sans doute pas gagner, mais cela se fera à quel prix ?  Plus nous hésitons et attendons et plus ils se renforcent. Rappelez-vous Hitler et sa stratégie d’intimidation. Apparemment, la leçon n’a pas servi et l’Histoire se répète.
            Tous ces faits, tous ces problèmes ont en commun d’apparaître au même moment Ils constituent tous des «révélateurs». De quoi ? D’une époque ! Mais, j’en ai déjà parlé dans des «lettres» précédentes. Pour cela, il nous faut changer de «lunettes» pour lire ce qui se passe actuellement au niveau mondial. Et souvent, nos intellectuels ou nos «grands cerveaux» semblent bien dépassés par les événements, dépendants qu’ils sont de «grilles de lecture» désormais inopérantes. L’époque actuelle est un moment de transition entre une ère (celle des Poissons) et une autre à venir (l’ère du Verseau) ; et comme toute transition elle est longue et pénible à vivre, mais elle est riche de promesses et de nouveautés. Jean de Larche, qui nous a quittés il y a quelques mois, en parlait tellement bien dans ses ouvrages sur l’Astrologie Transcendantale. Mais, qui se préoccupe d’avoir une vision différente aujourd’hui ? Qui accepte que l’homme, le monde, les planètes et probablement le Cosmos dans son ensemble dépendent d’une autre horloge, l’Horloge Cosmique (qu’une étude astrologique sérieuse peut révéler). Seuls quelques visionnaires l’ont évoqué : qui les a lus ou pris au sérieux ? Ce qu’ils disaient n’a rien de catastrophiste (et ne ferait sûrement pas un bon scénario hollywoodien), ils en parlaient comme d’une organisation cosmique du monde et de la Vie pleine de sens et, en réalité, passionnante…Lisez ou relisez, entre autres, Dane Rudhyar pour l’astrologie,  Teilhard de Chardin en Occident, Şri Aurobindo en Orient.
            Et c’est justement au moment où l’être humain devrait être le plus sensible à l’intérêt général qu’il s’accroche désespérément à une sorte d’individualisme égoïste complètement dépassé (sans doute une réaction de peur et d’auto-défense devant le chaos apparent du monde!).
             Les systèmes de pensée ou les philosophies ne nous fournissent pas non plus de réponse satisfaisante aux soubresauts de notre monde moderne. Ce que je vais dire pourra paraître iconoclaste ou aberrant, mais nous n’avons pas besoin de «penseurs», de décideurs ou de «managers», nous avons, comme le dit le Dalaï-Lama, cruellement besoin de gens de cœur ou de bonne volonté pour continuer à faire marcher la maison Terre. Car, s’il y a des certitudes à notre époque, elles ne sont que négatives : l’horizon semble parfois bien sombre à l’échelle mondiale. Oui, nous avons désespérément besoin de «guérisseurs» et non de «leaders» ou de décideurs, car notre monde et notre humanité sont malades, malades de la croyance en la «séparation» (et donc de la supériorité de certains sur d’autres !) entre les hommes eux-mêmes et surtout entre les genres et les espèces du Vivant. Le jour où l’homme s’est déclaré le maître de la Terre et de la Nature a été le début de sa fin!
            Il nous faut sans doute revenir à une sorte de sagesse (et donc d’humilité) ancestrale, qui n’existe plus dans nos sociétés modernes, technologiques et prétentieuses. Sagesse et non philosophie «philosophante»…Maintenant, il faut apprendre à vivre avec les autres, ce qui signifie  tout d’abord apprendre à vivre avec soi-même…Quelque chose qui n’entre pas dans nos sacro-saints programmes scolaires et qu’il faudra bien un jour intégrer à une démarche éducative visant à créer des « êtres humains nouveaux » susceptibles de créer un « monde nouveau ». La lecture de l’ouvrage Entrer en amitié avec soi-même (Edition La Table Ronde, 1991) de Pema Chödrön, moniale bouddhiste américaine, peut nous y aider. Loin de toute prétention et de tout discours «savant», la démarche de cette femme est humaine, tellement humaine, car elle nous montre, dans le concret de ses méditations quotidiennes, comment nous, toutes et tous, pouvons, sans être forcément bouddhistes,  entrer dans l’intimité de notre être véritable et profond pour y découvrir ce qui nous aidera à améliorer notre propre situation personnelle ainsi que celle du monde par la même occasion.
            Pour moi qui ai passé des années dans ma jeunesse à lire, à commenter et à discuter sur les «sutra» (grands textes) bouddhiques du Grand Véhicule, la lecture de cet ouvrage me montre une vision directe, pratique et finalement salutairement féminine, des principes et de la sagesse bouddhiques. Il suffit de lire ce qu’elle écrit sur le «samsara» ( la suite indéfinie et aveugle des existences !) pour comprendre qu’elle ne fait que résumer l’essentiel de nos comportements et pratiques habituels dans la vie, cette existence banale et répétitive qui nous conduit à refaire les mêmes erreurs et à nous fourvoyer dans les mêmes impasses. « L’essence du samsara est cette tendance à chercher le plaisir et à éviter la douleur, à chercher la sécurité et à éviter l’absence de base solide, à chercher le confort et à éviter la gêne. (…) c’est ainsi que nous restons triste, malheureux, prisonnier d’une vision étroite de la réalité. » (opus cité, p.211) Ces quelques mots résument à eux seuls l’essentiel du quotidien de nos semblables et contemporains. Nous recherchons le «confort» à tout prix pour ne pas affronter nos problèmes et nos parts d’ombre.
            Oui, loin des rumeurs et des fureurs du monde, dans la simplicité de la découverte de nous-mêmes, loin des discussions vaines et sans fin sur les causes et les conséquences des événements qui font l’actualité, nous voici enfin au cœur de ce qui devrait constituer notre contribution à l’apaisement des tensions … au rééquilibrage de nos énergies et à la modeste et patiente réflexion qui nous est nécessaire pour envisager l’avenir de notre planète, car désormais on ne peut plus penser seulement local, même si notre quotidien peut et doit se focaliser sur notre environnement le plus proche.
            L’Europe n’a plus d’ «âme», lit-on dans les commentaires journalistiques. Bien sûr, car, oubliant tous ses idéaux de paix et de cohabitation, elle s’est fourvoyée dans des considérations technocratiques, paraissant de cette façon comme incompréhensiblement autoritaire et sans pitié vis-à-vis de ses citoyens, elle s’est perdue dans une fuite en avant de rigueur budgétaire pour les peuples et de laisser-aller financier intolérable pour les grandes banques. Elle aurait dû se présenter comme un modèle pour les autres régions du monde, elle se renferme lamentablement sur elle-même, donnant l’impression pitoyable d’une forteresse assiégée. Elle pourrait avoir un but très clair et un idéal très élevé si elle concentrait toutes ses énergies à la transition énergétique qui viendra tôt ou tard si nous voulons avoir une chance de survivre en tant qu’espèce vivante sur cette belle planète. Cet idéal peut générer des millions d’emplois, surtout si cette révolution s’accompagne d’un développement raisonné et d’une agriculture locale et écologique, respectueuse de l’environnement. De plus, l’Europe pourrait devenir un sanctuaire pour des espèces végétales et animales  menacées (ceci pour répondre au désir  légitime de protection de la diversité cher à Hubert Reeves). Que de projets exaltants cela pourrait générer, si elle mettait en valeur la créativité étonnante de sa jeunesse qui invente à tour de bras des solutions concrètes et viables pour améliorer notre quotidien tout en respectant l’environnement. Solidarité et sobriété devraient être les mots d’ordre de cette nouvelle société que nous voulons mettre en place avant qu’il ne soit trop tard.
            Il y manque certes un troisième  «s», car, comme le souligne Pierre Rabhi, écologie sans spiritualité serait comme science sans conscience!...Que faire d’une pratique écologique si nous ne la rattachons pas à une vision élevée et verticale de l’homme et du monde. Nous retomberions bien vite dans une vision utilitariste qui a montré ses limites et ses dangers. Ainsi, nous aurions un triple «, 3 pierres de  touche pour mettre en place un «nouveau monde»: solidarité (l’homme dans sa dimension horizontale et donc dans sa relation aux autres!)-sobriété (stratégie pour faire face à la situation actuelle de la Terre et de l’Humanité !)-spiritualité (l’homme dans sa dimension verticale et donc dans sa relation à lui-même et au grand mystère de l’existence!). Vous avez bien lu : je parle de spiritualité et non de religion, celle-ci s’étant  discréditée d’elle-même (il suffit de voir l’état du monde à ce sujet !) Mettons donc en application ces 3 principes et nous aurons quelques chances de dévier de notre trajectoire collective suicidaire !
            Vous l’avez bien compris, l’individualisme effréné d’aujourd’hui ,où tout le monde revendique ses petites libertés personnelles sans jamais se préoccuper de celles des autres, où chacun parle de ses droits sans jamais mentionner ceux des autres et encore moins ses devoirs, est juste à l’opposé de la démarche préconisée par Pema Chödrön qui nous parle d’une quête , la découverte patiente de nous-mêmes (sans rien omettre et surtout pas nos travers et nos peurs enfouies) et la construction silencieuse d’une amitié avec le meilleur de nous-mêmes, c’est à-dire avec l’être profond et véritable qui se trouve masqué par nos fausses identités, par les images déformées que nous renvoient les autres et notre désir de plaire. Oui, sans doute tout un programme, mais qui peut tant nous apporter à nous-mêmes ainsi qu’aux autres.
Soyons endurants et supportons avec courage mais sans complaisance les «orages» présents et à venir. Ils ne font qu’annoncer ce qui s’en vient et qui peut, si nous le voulons, être le meilleur de ce que l’Humanité est capable de réaliser.  
Fidèlement vôtre.

L’arche du voyageur, Tourtoirac, 31 août 2015.

19.09.2014

La confusion des esprits et le mal-être généralisé


       


         Prendre soin de l'enfant intérieur ! Tel est le  dernier ouvrage de Thich Nath Hahn, dont le titre original en anglais est Healing the inner child, pour lequel j'aurais préféré que l'on garde la traduction littérale qui me semble tellement plus parlante et plus juste: "guérir l'enfant intérieur"car il s'agit bien de guérison dont nous entretient le moine vietnamien!...

          Comme à son habitude, Thay (surnom affectueux utilisé par les disciples de Thich Nath Hahn) nous parle directement, sans fioriture, mais d'une manière toujours aussi authentique et efficace, de nos problèmes essentiels.

           Pourquoi est-ce que je considère Thay comme un vrai "héros" (les Bouddhistes du Grand Véhicule utiliseraient le terme de "bodhisattva") ? Parce qu' on ne s'attend pas de la part d'un moine bouddhiste qu'il s'implique autant dans la société, qu'il soit aussi soucieux de trouver une solution aux problèmes de notre monde d'aujourd'hui.

           Thay nous montre avec clarté, simplicité et efficacité le chemin pratique que nous pouvons emprunter pour faire la paix avec nous-mêmes et, par conséquent, la propager dans le monde entier au niveau collectif.

            Voilà les raisons pour lesquelles j'admire autant cet homme. Car, voici quelqu'un qui pourrait, comme beaucoup d'autres moines et "religieux", se retirer du monde à l'instar des "samnyasin" (renonçants) et ascètes dont regorge l'Orient et plus particulièrement le sub-continent indien et pour lesquels j’ai, par ailleurs, la plus grande estime ! Non, il préfère avec l'humilité authentique et la gentillesse que l'on connaît, "travailler" dans le monde, au milieu de ses semblables et loin de sa terre d'origine pour nous aider à vivre dans les temps difficiles qui sont les nôtres actuellement. Et, il n'évite rien des écueils que vit notre société moderne actuelle.

            Comme il le montre si bien, nous sommes interdépendants les uns des autres, nous "inter-sommes" (selon le néologisme qu'il a lui-même créé) et, par conséquent, nous ne pouvons pas faire comme si le sort des autres, de tous les autres, nous indifférait. Nous sommes, par définition et par nature, liés, étroitement liés les uns aux autres, quoi qu'on fasse et quoi qu'on pense.

            Et les efforts que nous déployons pour nous-mêmes, pour notre bien, pour acquérir un minimum de stabilité, de bonheur et de sagesse servent (doivent servir) nécessairement aux autres, à tous les autres, c'est-à-dire à l'Humanité toute entière, prise comme une entité communautaire réelle, la Totalité humaine existante, entité qui possède, à n'en pas douter, une singularité et une destinée propres.

            Voilà bien ce qu'enseigne le meilleur aspect du Bouddhisme, le Grand Véhicule, à savoir la Voie des Bodhisattvas, ceux qui reviennent sans relâche sur Terre pour sauver les autres, tous les autres qui souffrent ou qui sont en perdition, dans la confusion la plus totale.

            Chez Thay, nul reproche envers qui que ce soit, mais une insistance bienveillante, presque têtue, à nous convaincre encore et encore que la seule chose positive qui compte est de (nous) guérir de nos blessures, blessures d'enfance le plus souvent qui se transforment et s'aggravent avec l'âge, faisant de la plupart d'entre nous des êtres durcis et durs envers les autres comme envers nous-mêmes. Le souci d'efficacité (même s'il n'en parle jamais en ces termes) est toujours présent, comme inscrit en filigrane, dans les propos et l'attitude du maître vietnamien.

            C'est sans doute tout cela qui me touche et me convainc à la fois que son action sur ses auditeurs et lecteurs a l'effet d'une boule de neige, nous entraînant ainsi dans son sillage si léger, si frais, si serein, si paisible et si compatissant...

            Sans doute, si nous cherchions bien, nous pourrions trouver des "guides" plus "profonds"  ou plus "ésotériques", mais à quoi bon s'ils ne nous mettent pas en mouvement, si nous ne parvenons pas à nous mettre définitivement et réellement en route!...A quoi bon se complaire dans des considérations intellectuelles et/ou spirituelles si nous ne les mettons pas en pratique dans notre monde et dans notre existence la plus quotidienne, la plus triviale?  A quoi bon si le monde continue à tourner comme une toupie folle, jouet de notre inconstance, indifférence, instabilité et surtout confusion.

            Car, une bonne partie des problèmes de notre époque se résument à cette constatation: la confusion des esprits et le désarroi qui en découle. Un petit regard sur notre société, sur notre environnement social, politique, moral et intellectuel suffit pour comprendre dans quelle situation d'impuissance, de confusion, de désespoir même se trouvent nos semblables. Et ceux qui nous gouvernent et que nous avons coutume d'appeler les "élites" ne savent pas plus que n'importe lequel d'entre nous
–même s’ils se montrent sûrs d’eux et parfois arrogants!-  ce qu’il convient de faire pour améliorer la situation générale, parce qu'ils continuent à penser selon les mêmes schémas dépassés et nous entraînent avec eux sur une voie sans issue.  Il est grand temps de comprendre que ce que nous vivons n'est pas un incident de parcours mais une vraie crise profonde de civilisation. Il est grand temps de changer de paradigme, comme le proposaient déjà il y a près de 50 ans certains esprits aux Etats-Unis lorsqu'ils parlaient d’ «Acquarius conspiracy » (« la conspiration du Verseau », référence à l’astrologie qui parle de l’Ere du Verseau comme de la nouvelle ère à venir!...) pour présenter un mouvement de contestation et de renouvellement des structures établies. Dans nos sociétés dites d’abondance et de consommation, il est urgent, aujourd’hui, de se détacher progressivement du concept de croissance quantitative  pour mettre en place le développement qualitatif et explorer davantage le domaine de l'"être" en laissant celui de l'"avoir", de tous les avoirs et possessions diverses...

            Dans cette situation, nous avons besoin d'un bon coup de bâton "façon Zen" pour nous réveiller de notre torpeur et de notre sempiternelle complaisance ou bien encore du son de cloche "façon tibétaine" pour nous rappeler à nous-mêmes... de nous-mêmes, c'est-à-dire de notre "être véritable". Dans cette situation, notre situation présente, qui est celle de l'immense majorité d'entre nous, nous avons encore et encore besoin des gifles que nous administre Krishnamurti. Si nous savons l'écouter, si nous pouvons l'apprécier et comprendre le cadeau qu'il nous fait, lorsqu'il ne nous laisse aucune issue à nos faux-semblants, à nos subtiles justifications, à nos éternels prétextes pour ne pas entreprendre le seul "travail" qui vaille la peine: le travail sur nous-mêmes pour nous connaître réellement, en dehors de tous les préjugés et savoirs que nous avons pu accumuler siècle après siècle.

            Ecoutez-le qui nous parle encore et toujours de "la libération de l'homme de ses conditionnements" à travers son ouvrage (parmi tant d'autres!) intitulé Se libérer du connu (Editions Stock, Le livre de poche, pour la traduction française) : " Pouvons-nous donc, vous et moi, provoquer en nous-mêmes  -sans aucune influence extérieure, sans nous laisser persuader, sans crainte de punition- pouvons-nous provoquer dans l'essence même de notre être une révolution totale, une mutation psychologique, telles que la brutalité, la violence, l'esprit de compétition, l'angoisse, la peur, l'avidité, et toutes les manifestations de notre nature qui ont construit cette société pourrie où nous vivons quotidiennement, cessent d'exister ?"

           Alors, pouvons-nous prendre un peu de temps et de recul pour nous arrêter et regarder bien en face ce que nous sommes devenus et la situation collective dans laquelle nous nous sommes mis ? Pouvons-nous regarder la réalité en face sans nous apitoyer sur notre sort, sans non plus nous perdre dans une autocritique sans fin ? Pouvons-nous voir avec calme et lucidité ce que nous avons créé et sommes-nous capables de reconnaître avec objectivité et sans culpabilisation excessive que nous avons fait fausse route mais qu'il suffit d'en prendre réellement conscience pour amorcer un changement d'orientation et commencer à mettre en place les bases d'un nouveau monde, moins basé sur la matérialité, l'intérêt et l'utilitarisme et davantage sur l'intériorité, la solidarité et l'entraide ? Car, ce que nous vivons actuellement s'apparente bel et bien à ce qu'on peut appeler une période de transition entre une ère ancienne et révolue et une nouvelle ère, celle dont nous avons parlé plus haut, à savoir l'Ere du Verseau.

          Certes, un certain nombre de penseurs et d'astrologues ont déjà mentionné cette "possibilité" selon laquelle notre monde et notre humanité actuelles seraient en train de vivre un grand bouleversement, à la fois collectif et individuel, certes l'expression "Ere du Verseau" n'est pas nouvelle, mais sommes-nous réellement conscients de ce qu'elle représente?  Sommes-nous capables, comme le dirait Krishnamurti, d'aller au-delà d'une simple considération intellectuelle motivée par une curiosité pour quelque chose de nouveau, une nouvelle mode ? Si vous pensiez ainsi, alors je vous demanderais d'oublier tout ce qui vient d'être dit dans ce "billet" (et dans les précédents) que je vous adresse ...Par contre, si vous êtes convaincus qu'effectivement nous sommes tous, êtres humains, en train de vivre un "séisme" à l'échelle planétaire et cosmique, c'est-à-dire le début d'une mutation profonde et radicale du genre humain comme le pensait déjà à son époque le grand sage inspiré Sri Aurobindo, alors prêtez une oreille attentive à ce que, dans le domaine de l'astrologie, un auteur peu connu cherche à nous transmettre.

         Orientaliste de formation, Jean de Larche (nom d'écriture) écrit depuis près d'une trentaine d'années un certain nombre d'ouvrages (*) concernant un enseignement réellement novateur mais parfois exigent de l'astrologie. En effet, l'enseignement auquel il a été initié et qu'il transmet avec beaucoup de modestie et de discrétion révolutionne totalement cette voie de la connaissance. "Discipline émergente pour le XXIème siècle" comme Jean de Larche la nomme, l'AstrologieTranscendantale s'oppose à l'astrologie traditionnelle par le fait qu'elle  se présente comme une astrologie de l'être et non comme une astrologie de l'ego.  L'Astrologie Transcendantale est bien plus qu'une simple technique d'interprétation de symboles célestes, elle n'est pas non plus une "science" prédictive, elle est tout à la fois une ontologie, une théosophie, une métapsychologie, une science pratique pour se connaître et "se déployer" dans le monde. Elle nous propose une toute autre vision de l'être humain, où celui-ci est bien plus qu'un corps doté d'un cerveau. Elle nous présente une autre perspective sur l'homme, sa place et sa fonction dans l'Univers et surtout elle nous parle avec clarté et précison de ce que nous sommes en train de vivre collectivement actuellement tout en nous proposant de découvrir le "travail" que chacun d'entre nous a à accomplir sur Terre.

        Par les temps qui courent, dans la confusion grandissante, au milieu du chaos et du désordre créé par les intégrismes religieux et les intolérances multiples et diverses envers l'autre qui se développent un peu partout dans le monde, avec cette attitude désormais si répandue de crispation des individus sur eux-mêmes et leurs mesquines exigences tyranniques, cette approche de l'homme et de la Réalité me semble à la fois digne d'intérêt et réconfortante, car elle nous ouvre une fenêtre sur l'infini, c'est-à-dire sur les mystères de notre existence et de l'Univers, elle nous redonne espoir et confiance en un monde meilleur pour demain, même si ce demain risque peut-être de se faire attendre...Patience...Comme je l’écrivais déjà il y a bien longtemps : « Loin, très loin, attendant patiemment, l'Univers  nous regarde et sourit en silence à  nos balbutiements d'adolescents... »

Sachons aussi, comme nos amis Indiens le font, reconnaître en l'autre une parcelle incarnée du Divin !

Bien à vous. "Transcendantalement" et amicalement vôtre.



                                      ***************


(*) Parmi les ouvrages de Jean de Larche, voici ceux qui me semblent les plus importants :
Astrologie Transcendantale, Karma et Régénération, Editions Dervy-Livres, 1985.
L’Astrologie Transcendantale et la Voie du Dharma, Cairn éditions, 1990.
Cérès, planète maîtresse du signe de la Vierge, Editions François de Villac, 1994.
L’itinéraire Verseau. Précis d’Astrologie Transcendantale, Editions Asphodele, 2000.
Le zodiaque astrologique originel. Initiation au mystère de notre incarnation,
Lulu éditions (www.Lulu.com), 2008.
Koré. Présentation et analyse de la planète maîtresse du signe du Taureau,
Lulu éditions, 2012.


         



23.04.2014

La vie a-t-elle un sens ?


                                                          La vie a-t-elle un sens ?


            Quel est le lien entre le livre d’Hélène Grimaud ( Variations sauvages, Editions Robert Laffont, Collection Pocket, 2003 ) , ses expériences vécues, son histoire personnelle, la vision psychothérapeutique et existentielle de Viktor Frankl , l’ouvrage d’Isabelle Filiozat ( Trouver son propre chemin, Editions Pocket Evolution, 2004 ) et le travail de Neale Donald Walsh ?

            Tous les quatre nous parlent du sens à donner à sa vie, à son existence. Sans cette dimension, l’homme risque fort d’être malade, déséquilibré, malheureux et angoissé, laissent-ils entendre chacun à leur manière !

            On serait, tout de même, en droit de se poser la question suivante : nous faut-il une raison pour exister? Est-il nécessaire de donner un sens à notre existence ? Viktor Frankl pense , bien sûr, à la signification ( “meaning”, dit-il ) que nous pouvons donner à notre vie , mais en français l’ambivalence du terme nous fait aussi songer à la direction que prend notre existence ou que nous lui imprimons !  Ainsi, ne peut-on se contenter d’exister, de faire le constat de ce fait indéniable, ineffaçable et d’essayer de vivre le mieux possible ?

            En somme, pourquoi nous faut-il absolument trouver un sens à notre existence ? Nous existons, un point c’est tout ! C’est un fait brut et parfois brutal. Et cette façon de penser peut nous sembler, a priori, légitime. En effet, est-ce qu’on n’essaye pas de se raconter de belles histoires pour rendre notre vie moins déprimante, moins banale, moins incompréhensible…pour essayer de surmonter cet irrépressible sentiment de déréliction qui, parfois, nous saisit à la gorge ? Est-ce que ce ne serait pas encore un de ces nombreux stratagèmes que l’esprit humain a inventés pour se sortir de ce qu’il ressent parfois comme un traquenard ( “mais que suis-je venu faire dans cette galère ?”ou bien “J’ai pas demandé à venir au monde, moi !”, etc…) ?

            Etrangement, ce sentiment de “vide existentiel” ou de déréliction qui nous étreint ne peut surgir que si l’être humain se pose des questions sur lui-même, c’est-à-dire sur le pourquoi et le comment de son existence-même dans le monde . Car, lorsqu’il est l’”homme-machine” dont parle Gurdjieff,  lorsqu’il “obéit” à des instincts, comme l’animal, ou lorsqu’il se soumet à des “récits imposés” présentés par les religions et croyances diverses, il n’a pas de problèmes, il ne se pose pas de questions. Alors, bien sûr, il n’a pas d’angoisse. Avez-vous déjà vu un animal angoissé ?  L’expression  est un oxymore , pourrait-on dire . Quant aux croyants “purs et durs“, la seule source d’inquiétude possible ou de peur est de ne pas obéir aux injonctions que leur religion leur impose. Si vous suivez la ligne, comme en politique, aucune crainte à avoir !

            Est angoissé- à juste titre-l’être humain qui est suffisamment courageux pour se poser des questions  ou… pour se remettre en question, pour essayer d’explorer la réalité dans laquelle il se trouve, pour entrer dans l’ère du sens , c’est-à-dire pour accéder à une phase-clé de son évolution  en tant qu’espèce et en tant qu’individu.

            C’est pourquoi, l’existentialisme ( ou les existentialismes, pour être plus précis ) est cette tentative de l’être humain de se prendre en charge, de prendre ses responsabilités, d’être autonome et libre, d’interroger le monde et l’existence, en somme de découvrir ce qu’il fait dans cette vie.

             Dans les deux hypothèses suivantes: refuser de donner un sens ou le chercher, le résultat sera le même…Qu’il y ait un sens ou qu’il n’y en ait pas, l’issue sera la même : si l’être humain veut se voir comme autre chose qu’un automate, un “zombie errant dans le monde”, il lui faut posséder une (bonne ?) raison de vivre…En soi, la réponse est de peu d’importance, et on ne la connaîtra  peut-être jamais. Ultimement parlant, est-ce si essentiel? Il nous suffit d’être convaincu que notre vie a un sens, et cette simple pensée nous donne des ailes.

            Ceci étant dit, et pour revenir à une dimension plus pragmatique et plus prosaïque, même si nous ne désirons pas nous préoccuper de ces “grandes” questions ( parce qu’elles nous dépassent, diront certains!) n’est-il pas éminemment réconfortant et motivant de trouver  “un” sens ( à défaut de trouver “le” sens ! ) à notre existence ?

            Quoi de plus motivant, en effet,  que de comprendre que nous possédons tous  des compétences,  aptitudes ou qualités et qu’il est juste et légitime de les développer ( “Qu’as-tu fait de tes talents ?”, demande l’Eternel dans la Bible !) , ce qui nous permet de nous inscrire dans le monde comme un être unique ayant un projet unique et qui trouve sa place dans le grand jeu cosmique que constitue l’Existence de tout ce qui est !

            Mais, le sens n’est jamais donné . Il nous faut soit le dévoiler soit le créer. Trouver un sens ou créer du sens à notre vie est probablement hautement et profondément thérapeutique, car cela nous guérit de tous nos maux, comme l’ont si bien expérimenté Viktor Frankl et les adeptes de la logothérapie lors de leurs séances de thérapie !

            Alors, qu’en est-il vraiment: y a-t-il un sens déjà inscrit en lettres d’or ou en filigrane pour chacun d’entre nous sur notre “fiche signalétique d’être humain unique”, sens qu’il serait utile de connaître si nous voulons vivre de manière “sensée” ou signifiante ? Pour aider ceux qui n’auraient pas la capacité de le trouver, certains auteurs ( le plus souvent du courant  New Age ) ont décrété que le plus important n’est pas forcément de trouver le sens ( en supposant qu’il n’y en ait qu’un seul ! ) mais de le créer, c’est-à-dire de décider par nous-même, en exerçant notre libre-arbitre, le sens qui nous semble approprié à notre existence. Ce sens sera forcément le bon !

            De toute façon, de deux choses l’une: soit nous pensons   que tout ce qui existe est le fruit du hasard ( mais, parfois, on est surpris par la cohérence des choses et l’organisation du monde! ), alors nul besoin de se poser des questions; soit nous sommes persuadés qu’il y a une Volonté-Intelligence qui est à l’oeuvre dans le Cosmos et qui forme ce que nous appelons la Réalité ! Alors, il existe, il doit bien exister  une science, un art, une sagesse ( adoptez le terme qui vous convient ou prenez les trois à la fois! ) qui va nous guider dans l’existence, laquelle nous apparaît bien souvent comme labyrinthique, énigmatique ou incompréhensible !..Quelle voie suivre pour dévoiler ou mettre au jour ce projet personnel, essentiel parce qu’existentiel, cette raison d’exister unique à chacun(e) d’entre nous ?

            La réponse est bien délicate, car elle dépend de la sensibilité et du parcoırs de chacun d’entre nous dans ce monde devenu aujourd’hui si complexe et si  incertain. Bien sûr, il existe  de nombreux systèmes philosophiques et de multiples sagesses qui proposent des voies et offrent certaines réponses, mais celles-ci sont très générales et ne s’adressent pas nécessairement à chaque individu dans ce qu’il a de spécifique, d’unique, de particulier. Bref, elles ne satisfont pas complètement le besoin pressent, urgent et personnel de telle ou telle personne.

            C’est pourquoi, le livre d’Isabelle Filiozat que j’ai cité au début est utile dans la mesure où il nous force à effectuer un travail concret, pratique sur nous-mêmes. Et le travail sur soi , qui commence en s’interrogeant sur les fondements de notre personnalité présente ( laquelle s’est forgée à partir des expériences et épreuves vécues depuis notre plus tendre enfance ) et qui peut se faire à tout âge, mène nécessairement  au dévoilement progressif du sens de notre existence.

            Mais, sans nier les bienfaits que peut nous procurer la lecture de cet ouvrage et surtout son application pratique, je vous demande d’avoir de l’audace et de faire un pas de plus vers la compréhension de notre place et de notre responsabilité dans l’Univers en tant qu’individus et que membres d’une espèce galactique bien particulière… mais ceci fera l’objet d’une prochaine lettre. Car, il nous faudra aborder  alors une discipline émergente, l’Astrologie Transcendantale, dont j’ai déjà parlé dans des écrits précédents.

A bientôt donc !

“Significativement”  vôtre !


 

24.02.2014

Politique et spiritualité: le conformisme (a)politique


            Le conformisme et le totalitarisme sont les deux dangers qui menacent l’être humain à notre époque moderne. C’est ce que pensait déjà, à la fin de années 60,  Viktor Frankl, le fondateur de la logothérapie. En écrivant cela, il avait, selon moi, déjà compris ce qui empêche l’être humain d’être lui-même, c’est-à-dire d’être responsable et libre de ses actes et pensées. Dans le premier cas ( le conformisme ), “il peut désirer faire ce que d’autres personnes font”`; dans le second cas ( le totalitarisme ), “il peut faire ce que d’autres personnes désirent qu’il fasse” (1). Cette situation de dépendance psycho-mentale, toujours et plus que jamais d’actualité, est due, selon le neuro-psychiatre autrichien, à un état de “vide existentiel”, que je nommerai, pour ma part, vide spirituel. Car, c’est bien de cela dont il s’agit et Viktor Frankl ne me désapprouverait probablement pas, lui, qui en tant que psychiatre, est  l’un des seuls à parler de troubles “noogènes”, autrement dit de problèmes liés à un manque de sens , c’est-à-dire à un  profond désarroi spirituel. Diagnostiquée il y a déjà plus de 60/70 ans, cette situation est encore plus criante et évidente aujourd’hui. C’est sur ce point que Viktor Frankl est très moderne.
    
Mais, que le psychiatre autrichien me pardonne, j’irai plus loin en affirmant que de nos jours
ces deux écueils peuvent se fondre en un seul que j’appellerai le “conformisme totalitaire” tellement notre société moderne a fait accepter à tous les esprits un certain nombre de faits ou de “réalités” qui ne sont d’ailleurs plus discutés ou contestés, tels le système économique que l’on baptise aujourd’hui du nom de “libéralisme économique”, c’est-à-dire le laisser faire ou le laisser aller généralisé, système, on le voit chaque jour, éminemment destructeur non seulement de vies humaines mais aussi de valeurs essentielles et élevées, celles justement qui, au-delà de la morale de façade, nous propose une vraie dimension spirituelle et une existence qui ait du sens ( pour reprendre les termes  de Viktor Frankl ) !

            Voici une bonne introduction à notre  débat d’aujourd’hui : peut-on mêler, dans une même  réflexion, politique et spiritualité sans courir le risque de se fourvoyer ? A priori, on pourrait penser que ces deux domaines ne font pas bon ménage et cela n’est probablement pas faux. Mais, le fait de suivre une voie spirituelle nous interdit-il de nous intéresser à la politique ? Peut-être pas ! En tout cas, cela implique de prendre de la hauteur face à l’événement , quel qu’il soit, attitude qui n’est pas toujours facile à maintenir lorsqu’on s’occupe de politique, car cette dernière nous  pousse à une attitude passionnée et partisane. Si la voie spirituelle exige de nous de prendre nos distances avec notre petite personnalité, la seconde, au contraire, nous entraîne bien souvent à faire parler notre ego!

Qu’est-ce que la spiritualité sinon le fait de s’affronter soi-même avec les questions essentielles concernant notre existence , notre place et le sens de notre vie dans le monde ? En réalité, s’intéresser à la spiritualité exige de l’homme un grand courage, car il n’est pas toujours facile de s’interroger sur ces questions dans le déroulement concret de notre existence quotidienne. Voir le monde, la vie, les autres et soi-même selon une perspective spirituelle demande de nous que nous acceptions avec humilité que la Vie est bien surprenante et mystérieuse, qu’elle ne se résume pas à quelques schémas analytiques matérialistes et rationalistes et surtout que l’être humain est plus qu’un ensemble psycho-somatique façonné par l’environnement et une hérédité génétique. Il nous faut  vivre et explorer cette réalité avec la plus grande ouverture d'esprit qui soit. Car, s’il y a bien quelque chose d’éloigné  de la spiritualité, c’est l’intellect qui, avec son orgueil suffisant, prétend tout expliquer à partir de raisonnements bien “huilés” et pertinents. La Vie  se moque de toutes nos prétentions et nous renvoie à chaque instant à notre état de déréliction, qu’il nous faut de toute facon accepter au début de notre cheminement, quoi qu’on fasse, quoi qu’on pense, et quel que soit le système de croyance auquel on se réfère et auquel on se raccroche bien souvent pour éviter de se poser les vraies questions dans notre "irréductible solitude".

Lorsqu’on emprunte la voie spirituelle ou lorsqu’on se réfère à la spiritualité et qu’on la place au centre de notre existence, il nous faut être très prudent si l'on s’intéresse à la politique, qu’on s’essaye à une analyse ou qu’on émette des affirmations catégoriques et péremptoires, car on court souvent le risque d’être “à côté de la plaque” ou de produire un discours et une réflexion inadéquates, voire ignorantes...Certes, la voie spirituelle ne signifie pas, loin de là, se désintéresser de la politique, cela signifie l’appréhender d’une autre manière ..., mais pour cela il nous faut aussi posséder un minimum de bagages et de connaissances sur les “affaires de la cité”, ses jeux et ses enjeux!...On ne peut pas se permettre d’être naïf ou ignorant et surtout pas de “faire de l’angélisme”...

Il s’agit, tout d’abord, de bien distinguer “le politique” de “la politique”. Le premier nous concerne tous dans la mesure ou nous sommes, selon la formule désormais consacrée , “des animaux sociaux”, contraints- consentants ou non - de vivre ensemble. La deuxième renvoie au domaine, à la “profession” ( en est-ce vraiment une ? ) qui a pris tous les individus en otages et qui prétend régenter le monde et la société au nom d’une légitimité auto-proclamée !...Vous conviendrez que la différence est de taille !

Ce qui me semble  dangereux, c’est l’attitude d’une catégorie de personnes qui s’occupent de spiritualité et qui en même temps se considèrent, ou se déclarent hors de la politique, tout en émettant des avis très catégoriques sur les événements du monde. Ceux qu’on pourrait appeler, de manière hâtive, des personnes “apolitiques” sont le plus souvent des personnes dépolitisées, qu’elles soient indifférentes ou ignorantes. Cette situation les amène, dans la grande majorité des cas, à reproduire un discours politique officiel, conformiste et “labellisé”, que les dirigeants politiques, quels qu’ils soient, ont envie d’entendre. Elles se retrouvent, le plus souvent, à soutenir, sans le savoir, l’ordre établi et “la pensée unique”!

C’est pourquoi, il est nécessaire et salutaire, sur ce point, de faire la distinction entre ce que j’appellerai les “faux apolitiques” (à savoir les personnes dépolitisées ) des “vrais apolitiques”, ceux qui se mettent totalement en-dehors de la perspective et de la vision politiques/politiciennes et qui refusent de “jouer” au jeu que nous imposent les “professionnels du pouvoir”. Je respecte et admire cette deuxième catégorie de personnes et serai près d’affirmer qu’un individu qui prétend vivre selon une perspective spirituelle est nécessairement et fondamentalement “apolitique” au sens strict du terme. Ce qui est trés différent de l’“apolitisme de façade” qui débouche sur le conformisme, lequel est lui-même la porte ouverte à tous les totalitarismes !

La voie spirituelle est exigeante, elle ne nous permet pas de jouer sur les deux tableaux !
Elle nous oblige à aller au-delà d’une vision “mondaine” des choses, elle nous contraint à la plus grande sincérité. Lorsqu’on se prononce sur un sujet d’actualité ou sur un problème socio-politique précis, il nous faut toujours être très attentif à prendre de la hauteur par rapport à l’événement, se méfier des prises de position faciles , souvent “populistes” qui vont “caresser nos semblables dans le sens du poil” ! Il faut toujours appréhender la situation ou le thème selon l’angle le plus “généreux”, le plus “universel”, le plus “sage”, le plus compréhensif et compatissant qui soit...

            Bref, ce n’est pas parce qu’on se place dans une perspective spirituelle qu’il nous faut délaisser  ce qui se passe autour de nous et dans le monde, sauf si l’on choisit le chemin bien étroit et difficile du renoncement et de la vie érémitique, mais il nous faudra toujours replacer chaque situation dans un contexte plus vaste, celui de la spiritualité. En résumé, c’est la perspective spirituelle qui prime et doit primer sur la vision politique et sociale, car celle-ci ne se situe qu’au niveau horizontal et non vertical , celui de l’être. Le spirituel possédera toujours une dimension de plus que le socio-politique ! Gardons cela bien en vue, pour ne pas nous laisser entraîner  par une attitude réactionnelle qui risque de nous faire perdre notre équanimité indispensable à notre développement en tant qu’être complet et non limité par des caractéristiques sociales, culturelles, familiales, ethnologiques, historiques. Ces derniéres ne représentent toutes que la surface de nous-même en tant qu’individu possédant un nom et une forme corporelle bien précis, caractéristiques reconnues, malheureusement, comme étant les seuls critères de notre identité dans ce monde et cette société actuels!


                                                           ******************


(1)   p.83 de l’ouvrage de Viktor Frankl traduit en français sous le titre Nos raisons de vivre, A l’école du sens de la vie, Interéditions-Dunod, Paris, 2009, dont le titre original  paru en 1969 aux Etats-Unis est The Will to Meaning. Foundations and Applications of Logotherapy.

Il est dommage que Viktor Frankl, que je n’ai découvert que récemment, ait été ignoré ou délaissé en France par les milieux psychanalytiques, car il me semble avoir une vision beaucoup plus vaste, qui peut combler les vides laissés par une explication freudienne ou adlérienne de l’existence !

 

24.11.2013

La Loi de la Réciprocité



La Loi de la Réciprocité


Aujourd’hui, je voudrais vous poser une question simple: Comment voudriez-vous que les autres se comportent avec vous ? ( avec son corollaire: comment auriez-vous aimé que les gens se comportent avec vous dans le passé ? ) Répondez sincèrement et spontanément pour vous-même à cette question.

Maintenant, posez-vous cette autre question: Comment suis-je avec les autres ? Quel regard est-ce que je porte sur eux ? D’une manière générale, suis-je ouvert, généreux, tolérant, compréhensif, compatissant ? Ou bien, suis-je neutre, indifférent, méfiant, prudent ? Ou bien encore, suis-je agressif, fermé, soupçonneux, dur ? Répondez sincèrement à cette deuxième question . Et puis, comparez les deux réponses: sont-elles en accord, en phase l’une avec l’autre ? Si elles ne le sont pas, dites-vous bien que là réside l’énorme malentendu dans les relations entre les gens: cela signifie, en effet probablement, que la majorité des êtres humains sont encore incapables de se comporter avec les autres comme ils aimeraient que ceux-ci se comportent avec eux ! Si vous êtes souvent froid ou agressif avec les autres, par exemple, ne vous étonnez pas que les gens soient plutôt distants ou nerveux avec vous, et surtout vous n’avez aucun droit de le leur reprocher! Car, il existe ce que les personnes intéressées par l’ésotérisme et la spiritualité appellent la Loi d’Attraction, à savoir: “le même attire le même”. Ne vous étonnez donc pas de “recevoir la monnaie de votre pièce”, ne soyez pas ébahi que l’autre vous renvoie votre image comme un miroir qu’il est pour vous,... comme le miroir que nous sommes tous, de toute évidence, pour les autres !

Comment voudrions-nous que les choses changent dans le monde, si nous ne sommes pas capables d’accorder nos pensées et nos actes dans nos relations avec les autres, car la situation générale sur cette planète dépend essentiellement  des relations que les humains entretiennent entre eux ? Ce que je veux dire ici, et je crois que vous avez commencé à voir où je veux en venir, c’est que nous devons être conscients d’une Loi très simple: les autres se comporteront avec vous de la même manière que vous vous comportez avec eux. C'est pourquoi, je vous conseille cette approche logique: Comportez-vous avec les autres comme vous aimeriez qu’on se comporte avec vous-même ! Et surtout, souhaitez aux autres ce que vous vous souhaitez à vous-même !  

C'est la Loi de la Réciprocité et si nous ne pouvons pas l’appliquer dans le monde, alors nous ne sommes pas près de résoudre nos problèmes collectifs et personnels.Car nous ne trouverons une solution à la plupart des maux qui assombrissent notre horizon que si nous appliquons cette simple réciprocité qui englobe toutes les autres valeurs que l’humanité a essayé de mettre en place dans la société depuis des siècles et des siècles, à savoir l’égalité, la fraternité, la solidarité, etc...En effet, je ne peux désirer la paix dans le monde et en même temps être en permanence en colère contre les autres, les objets et la Vie en général !

A présent, je reviens à ma première question. Il me semblerait bien surprenant que quelqu’un réponde en toute bonne foi , en son âme et conscience :  “j’aimerais que les autres ne me fassent pas de cadeaux, qu’ils soient durs et intraitables avec moi, qu’ils me détestent, etc...” En effet, je n’ai nul besoin d’être un grand devin pour savoir globalement ce que chacun d’entre vous a répondu en son for intérieur, car nous sommes si semblables au-delà et malgré toutes nos différences, nous désirons tous le meilleur pour nous-mêmes. Et après tout, quoi de plus normal , quoi de plus logique et de plus humain que de désirer être compris, écouté, apprécié, et même aimé ! Soyons sincères envers nous-même et les autres et abandonnons nos postures arrogantes pour avouer à la face du monde entier que nous ne désirons rien de plus que d’être aimé ( et non adulé ou adoré !) soutenu et compris ( et non flatté ou envié ! ). Si nous sommes capables de reconnaître cela et si nous désirons profondément et sincèrement la même chose pour les autres, alors nous aurons fait un très grand pas pour améliorer la situation dans le monde.

Comprenez-vous exactement ce que cela signifie ? Nul besoin  d’actions grandioses ou de déclarations lyriques, simplement prendre une résolution intérieure ( pour laquelle on n’a de compte à rendre à personne d’autre qu’à soi-même! ) : désormais, je désirerai et me comporterai avec les autres comme j’aimerais qu’on le fasse avec moi-même. Certes, j’entends déjà les sceptiques dire que si tout le monde ne fait pas la même chose, certains seront lésés et donc victimes des autres, car ils se retrouveront à être les seuls à vouloir et à appliquer cette Loi de la Réciprocité et tout le reste des gens continuera à adopter  le même comportement égoïste et inconscient qu’avant. La réponse est simple et claire: n’attendez pas les autres pour vous engager, faites le premier pas et vous verrez les autres faire comme vous, montrez l’exemple et les autres vous suivront car ils comprendront tôt ou tard que c’est leur véritable intérêt que d’agir ainsi.

En fin de compte, quel regard portez-vous sur l'être humain en général, car c'est cette vision qui détermine votre attitude à l'égard des autres et de vous-même? N'oubliez pas que souvent vous agissez avec les autres de la même manière que vous agissez avec vous- même. Et comment êtes-vous avec vous-même ou plutôt comment vous a-t-on appris à l'être ? Si nous ne portons pas un regard compréhensif, tolérant et compatissant vis-à-vis de l'homme en général, nous ne règlerons rien de nos problèmes relationnels. Probablement derrière votre "philosophie" de la vie s'accumule tout ce que vous portez en vous de votre environnement culturel, social et personnel. Quelle importance le regard des autres a sur vous et votre attitude générale dans l'existence ? Quelle importance a l'ensemble des préjugés d'une société,  l'ensemble des blocages accumulés siècle après siècle sans que personne, mis à part quelques exceptions, ne remette en question des affirmations devenues vérités générales avec le temps? Notre existence, nos blessures, nos échecs et parfois nos réussites ont petit à petit dessiné un regard probablement désabusé sur la vie et donc sur les autres, car le regard que nous portons sur nous-même ( c'est-à-dire sur les autres,... c'est-à-dire en définitive sur l'être humain) est insuffisant, tronqué, lacunaire et surtout il dépend majoritairement des autres.

Cette perspective sur la Vie renvoie à ce que Neale Donald Walsh appelle “notre  récit culturel”, c’est-à-dire nos croyances générales concernant la vie, le monde, l’homme, Dieu. Selon lui,  notre existence et le monde dans lequel on vit et que nous avons construit  sont basés sur un système de croyances  et si  nous voulons que notre vie et  le monde changent, nous devons changer nos croyances à propos de la vie, de l’homme et de Dieu. Si nous ne changeons pas “notre récit culturel” alors nous continuerons à appliquer les mêmes recettes inefficaces pour répondre aux défis que pose la survie de l’espèce humaine dans les années à venir.

Il nous faut donc examiner et revoir toutes nos croyances héritées de nos ancêtres depuis des milliers d’années concernant l’existence, le monde, l’homme, les relations avec les autres, etc... Ainsi, nous nous sommes persuadés- et l’avons érigé en vérité immuable- que l’homme  est fondamentalement mauvais ( idée prônée, je le rappelle, par des religions qui comptent des milliards d’humains comme fidèles dans le monde ) et, par conséquent, qu’il est un loup pour son semblable, que si Dieu existe il ressemble forcément à un Juge qui punit tous nos manquements à sa Loi. Qu’ il y aura toujours des gens pour profiter des autres, des riches et des pauvres, des forts et des faibles comme il y a des beaux et des laids, des intelligents et des stupides . Notre vision globale est ainsi édifiée sur un regard dualiste réducteur: le “bon” opposé et en lutte perpétuelle avec le “mauvais” . La suite des préjugés est longue et on pourrait en écrire des ouvrages...Bref, pour ma part, je dirai que nous avons adopté une perspective sur l’existence fondamentalement négative et donc destructive, voire suicidaire ( masquée sous un “habillage” conceptuel  rationnel et soi-disant réaliste ) et non une vision positive et constructive qui nous permettrait sans doute de résoudre bon nombre de nos problèmes.

Je suis réellement admiratif devant  la démarche courageuse de Neale Donald Walsh, car pour la première fois de notre histoire sans doute, afin de  changer concrètement et en profondeur les choses, c'est-à-dire pour faire émerger un monde et un homme nouveaux, quelqu'un nous propose ni plus ni moins qu'un dialogue mondial direct sans passer par les intermédiaires habituels ( délégués , élus et "responsables" de toutes sortes ). En effet, il nous invite à revoir ensemble, au moyen de ce qu’il appelle “The global Conversation” (1) ( Conversation avec l’humanité ) , toutes nos croyances, de les remettre en question et de se demander s’il ne serait pas temps d’en finir avec tout ce “méli-mélo”, que je qualifierai de masochiste ( La vie n’est-elle vraiment que souffrance ? (2)). Il nous faudra sans doute sortir des sentiers battus pour renverser toutes nos anciennes croyances et examiner d'autres possibilités, comme l'éventualité  selon laquelle la Vie est un merveilleux terrain d’expériences pour des êtres souverains qui cheminent vers la maîtrise d’eux-mêmes ( perspective enthousiasmante !). Pari sur la Vie, me direz-vous ! Pari pascalien ? Pourquoi pas ? Qu'avons-nous à perdre ? Probablement rien, mais nous avons tout à gagner ( comme dans tous les paris !).

Neale pose 7 questions auxquelles il invite le lecteur à répondre. Sans les citer toutes
( certaines recoupent les questionnements que je formulais dans mes lettres précédentes sur notre véritable identité en tant qu’être humain-seulement humain ?-),  la première d’entre elles m’a frappé par sa pertinence et rejoint mes propres  préoccupations, que je ne cesse de développer sur ce blog: “Comment se fait-il que 6,9 milliards de personnes veuillent toutes la même chose – la paix, le bonheur, l’abondance, les chances, la sécurité et l’amour- et soient singulièrement incapables d’y arriver ?”,  question lancinante à laquelle nous sommes bien forcés de répondre si nous avons le désir sincère de trouver une issue à nos comportements répétitifs et stériles ainsi qu’ à la situation globale de notre monde.

Non seulement je vous invite fortement à lire cet ouvrage ( La tempête avant le calme,
Conversations avec l’humanité , Editions Ariane, Canada, 2012 pour la traduction en français)  et d’autres du même auteur (3), mais de plus je vous exhorte à répondre aux 7 questions et d’abord à la première d’entre elles. Car, c’est une question capitale dont la recherche de la réponse nous obligera à nous transformer et nous conduira peut-être à appliquer la Loi de la Réciprocité dans notre vie “pour le plus grand bien de l’Humanité toute entière” ! (selon la “formule consacrée” de l’Astrologie Transcendantale)

Réciproquement vôtre !...


                                               *******************


     (1) Vous pouvez visiter son site  www.theglobalconversation.com .
(2)  Il est étonnant de voir, sur ce sujet si crucial, combien de grands “maîtres” bouddhistes actuels ont infléchi en le modalisant ( ou en l’actualisant ? ) le message premier du Bouddha ( à savoir la première des Quatre Nobles Vérités ) pour mettre désormais davantage l'accent sur l’Art du  Bonheur en ce qui concerne le Dalaï-Lama ou bien la Pleine Conscience et la Joie d’exister tout en réalisant un vrai “travail dans le monde” pour Thich Nath Hahn , pour ne citer qu’eux. Serait-ce un effet des vents nouveaux qui soufflent sur notre planète, comme l’affirment avec insistance la plupart des porte-parole du New Age ( l’Ere du Verseau )?

(3) Lisez notamment l’incontournable série des Conversations avec Dieu  même et surtout si vous n’êtes pas croyants!
   
   

9.10.2013

Vivre la solitude, le silence et le vide !



Aujourd'hui, je parlerai de trois “aventures” pour mettre en valeur ce qu'elles ont de commun dans l'expérience limite et absolue que vit chacun(e) des protagonistes. Mais aussi, parce que je sais que ce qu'ils ont vécu, ils l'ont fait pour et au nom de tout le genre humain. C'est en cela que leur expérience est exemplaire, instructive, fructueuse et  bénéfique pour nous tous. C'est pourquoi leur aventure me touche et peut vous intéresser.

Trois ouvrages sur la vie d'ermite : deux expériences de voyageurs-écrivains, une "religieuse-spirituelle". Deux cabanes, une grotte . Deux hommes, une femme.

Premier ouvrage: Solitudes australes. Chronique de la cabane retrouvée ( Editions Transboréal, 2012 ) qui raconte l'expérience de David Lefèvre reparti vers la Patagonie qu'il aime (l'île de Chiloë, au Chili) pour nous délivrer un message bien âpre, rugueux, comme peut l'être une vie au grand air, à essayer de subsister, de (sur)vivre au sein d'une nature souvent bien hostile et parfois cruelle envers l'homme.  Récit parfois amer, mordant, voire exaspérant par moments, mais sans concessions pour nous autres hommes vivant dans et par un système de consommation, de gaspillage et de reniements , réflexion méticuleuse, comme peut l'être une vie consacrée "à l'essentiel et au suffisant", selon son expression. "Ici, le monde des artifices s'estompe, écrit-il. On ne peut se mentir."  La personne qui vit une telle expérience se trouve au contact de trois phénomènes essentiels liés l'un à l'autre: la solitude, le silence et le vide !

Deuxième ouvrage, deuxième expérience, mais cette fois-ci racontée par une tierce personne.Un ermitage dans la neige de Vicki Mc Kenzie ( Editions Nil, 2000 pour la version en français ) nous parle de Tendzin Palmö, alias Diane Perry, une anglaise qui, dans les années 1960, va renoncer à tout:  une vie tranquille avec sa mère à Londres,  un mariage prometteur avec un Japonais, pour suivre un appel, une vocation, celle de nonne bouddhiste. Pas n'importe quelle nonne: une nonne ermite, phénomène extrêmement rare. Pendant de nombreuses années, elle vivra seule dans une grotte sommairement aménagée à plus de 4000 mètres d'altitude, tout cela pour suivre les traces des plus secrets des ermites, des moins connues  et pourtant des plus accomplies des yoginis (yogis au féminin) indiennes et tibétaines. Au bout de tous ces sacrifices et de ces renoncements, au bout de cette solitude et de ce vide extrêmes, le retour au milieu de ses semblables pour accomplir le plus difficile: construire un monastère pour moniales au nord de l'Inde afin de permettre l'éclosion d'autres vocations semblables à la sienne. Et surtout bousculer la hiérarchie  de la tradition bouddhiste afin de faire accepter l'égalité des sexes dans ce domaine si particulier qu'est le monde des moines et des moniales. Il a fallu vivre  la solitude, le silence et le vide !

Troisième ouvrage, autre aventure, qui ressemble fort à la première, avec cette différence qu'elle a pour cadre l'hémisphère nord et le plus grand domaine terrestre sauvage du monde : la Sibérie. Dans les forêts de Sibérie ( Editions Gallimard, Collection Folio, 2011 ), Sylvain Tesson  nous explique pourquoi il a choisi de vivre quasiment seul dans une petite cabane au bord du Lac Baïkal,de février à juillet 2010: "L'immobilité m'a apporté ce que le voyage ne m'apportait plus.", écrit-il."J'ai atteint le débarcadère de ma vie. Je vais enfin savoir si j'ai une vie intérieure." Le fait que quelqu'un soit allé jusqu'au bout du froid sibérien pour répondre à cette question montre bien que c'est  cela qui nous obsède nous, êtres humains. Avons-nous une vie intérieure ? Si oui, quelle est-elle ? A quoi ressemble-t-elle ? Alors, il faut affronter  la solitude, le silence et le vide ! 

Trois récits, trois aventures. Bien sûr, les expériences ne sont pas totalement identiques, mais elles procèdent, au départ, d'un même élan: celui de se mettre en retrait du monde pour un certain temps ( Sylvain Tesson et Daniel Lefèvre ) ou pour toujours (Tendzin Palmö ), avec à la clé une transformation profonde de soi. Qu'ont-elles de commun ? Le simple fait d'aller à l'essentiel,  au fond ou au bout de soi-même, au-delà de nos masques et de nos rôles.  Hormis le courage qu'il faut posséder pour aller au bout de ses engagements envers soi-même dans des conditions de vie très spartiates, voire extrêmes, ces trois retraites constituent à n'en pas douter un éloignement et/ou un renoncement partiel ou total au monde et à ses habitudes, ses règles, son bruit , son trop-plein et sa foule...

Qu’est-ce que le silence ? L’absence de bruit, une “plage sonore vide” avec quelques sons bien identifiés qui prennent soudain toute leur valeur. C’est  aussi la volonté de faire taire la voix de l'”ego/mental” ( qu'il s'agit de bien distinguer de ce qu'on appelle “soi” ou “le soi” !), de ses radotages, de ses récriminations, de ses pleurnicheries, de ses marchandages.

Et la solitude ? L'absence d'autres êtres humains ?  On est bien forcé alors de buter contre soi-même... et d’apprendre à dialoguer avec soi-même, à vivre avec soi-même et en soi-même.


Pourquoi parler du vide?  Parce qu’avec ces deux ingrédients que sont le silence et la solitude, il y a de fortes chances de ressentir un certain vide, une absence, lesquels doivent nous faire méditer sur ce qu’est la Vie, le monde et notre rapport à lui, nous-mêmes et les autres, leur absence ainsi que nos rapport à eux. Bref, le vide comme une grande opération de nettoyage et de désintoxication, pour mettre en valeur la simplicité et la sobriété dans nos existences. Le vide ? C'est le grand malentendu  quand on se réfère à  la sagesse bouddhique. Le vide, est-ce le grand trou noir, le rien , le néant , l'obscurité totale , l'absence de quoi que  ce soit ? Dans ce cas, effectivement, le terme a une connotation terrifiante et il ne peut que susciter angoisse, vertige et sueurs froides...Ou bien est-ce ce qui est creux, ce qui ne contient rien, ou plutôt ce qui est absent de toute détermination et de tout contenu ?

Alors, faire le vide, c'est enlever  tout  ce qui, en nous, est inutile et encombrant, ce qui prend trop de place et nous paralyse. Faire le vide...en soi est donc un acte éminemment salutaire et libérateur, pour ne pas dire thérapeutique. C'est alléger notre espace intérieur pour faire de la place. A quoi ? A ce qui est neuf et spontané. C’est être  à l'écoute de qui s'en vient, de l'à-venir.

Pourquoi s'intéresser autant et lire à la suite trois ouvrages racontant trois expériences de solitude, me direz-vous? Je crois que vous avez déjà deviné la réponse: parce qu'ils renvoient à ma propre expérience de personne à la retraite. C'est d'ailleurs pour cette raison que je les ai choisis maintenant comme compagnons de lecture. Oui, je sais , dans nos sociétés policées, fonctionnelles et utilitaristes, prendre sa retraite est presqu'un acte honteux, sociologiquement et psychologiquement parlant, parce qu'il contient un message subliminal: celui d'une personne devenue  désormais impotente, inutile, hors circuit et hors d'usage.  La retraite ? Elle contient ces trois ingrédients: la solitude, le silence et le vide. La solitude qui conduit au silence lequel nous permet de faire connaissance avec le vide, c'est-à-dire avec l'absence. Mais, attention, la retraite n'est pas une défaite ou une débâcle. Ce n'est pas non plus un refuge ou un rejet quelconque. La retraite est  faite pour se recueillir et se recentrer sur soi, comme l'affirme avec sagesse la tradition indienne.

Oui, la solitude est bonne et nécessaire, c’est le temps retrouvé ! Le silence est thérapeutique et revigorant, c’est le temps suspendu . Et le vide est...ce qu'il est: une ouverture, c’est-à-dire le temps aboli !

La solitude, le silence et le vide. Ces trois ingrédients dans nos existences sont précieux et nécessaires , aujourd'hui plus que jamais, sur notre planète. Ils sont ce qui manque à la plus grande partie de l'humanité: ce sont de vrais trésors...à préserver mais surtout à expérimenter. Car, je reste persuadé que nous pouvons tous, qui que nous soyons et où que nous soyons, vivre chaque jour  ne serait-ce qu'un petit instant de grâce et de sérénité, de silence et de joie...grâce à la solitude, au silence et au vide.

Bien fraternellement, compagnes et compagnons de voyage...